"Free tibet"

Les tibétains en exil, entre espoir et résignation

Alors que la flamme olympique arrive à Delhi en ce mois d’avril 2008 et que les Jeux Olympiques sont prévus à Pékin pour l’été suivant, des manifestations sont organisées par les tibétains en exil vivant en Inde pour jeter un coup de projecteur sur leur situation et celle de leurs semblables encore présents au Tibet. Reportage à Shimla, petite ville située à 2200 mètres d’altitude sur les contreforts de l’Himalaya.

A Shimla, en Inde, la jeunesse tibétaine n’a jamais connu son pays. Elle écoute depuis sa plus tendre enfance ses parents ou ses grands-parents lui raconter les paysages de ce haut plateau situé au cœur de l’Himalaya, en chérissant le souvenir d’une nation disparue. Alors quand la flamme olympique arrive à Delhi en ce mois d’avril 2008, toute la communauté se rassemble pour hurler leur désir de reconnaissance à la face du monde. Et leur espoir de retrouver un jour un Tibet libre.

tibétains en exil

Le départ de la manifestation se trouve devant le « Research Institute », un endroit symbolique pour tous les tibétains puisque c’est là que, en 1914, les anglais, chinois et tibétains ont signé la convention de Shimla délimitant les frontières du Tibet.

Pal Den fait partie du comité de solidarité tibétain de Shimla en charge de la protestation. « Nous ne sommes pas contre les Jeux Olympiques que nous respectons, explique-t-il, mais nous voulons afficher notre soutien aux tibétains qui se trouvent toujours au Tibet et montrer au monde que la Chine ne respecte pas les droits de l’homme là-bas. N’oublions pas que le 10 mars dernier des manifestations pacifistes ont été durement réprimées par les autorités chinoises, et que des centaines de moines tibétains ont été arrêtés sans autre forme de procès, d’autres mêmes abattus. Au Tibet, les tibétains n’ont pas le droit à la liberté d’expression, ni à la liberté de culte. Il faut que cela cesse, que les autorités mondiales se rendent compte de ce que l’État chinois fait subir à mon peuple. »

tibétains en exil

Pal Den est un jeune tibétain de 25 ans né en Inde. Il n’a jamais connu son propre pays, comme la majorité des jeunes gens de son âge. Seuls les plus anciens, ceux qui ont fui le pays avec le Dalaï Lama en 1959 lors de l’occupation chinoise, se rappellent leurs terres ancestrales.

« Je ne me sens pas indien, je suis tibétain. L’état indien est bienveillant à notre égard, il nous donne des aides, nous tolère, mais on ne se sent pas intégrés. Les indiens ne veulent pas que l’on prenne leur travail, alors on vit en colonies, entre nous. Et puis on espère tellement pouvoir un jour rentrer au pays. »

tibétains en exil

Sur son crâne rasé, Pal Den a fait dessiner le slogan « Free Tibet ».

«Nous sommes 52 tibétains de Shimla à avoir décidé de nous raser la tête en signe de protestation contre les militaires chinois et leurs actes odieux du 10 mars dernier», raconte-t-il.

Il est 13h30. Les jeunes entament la marche, ou plutôt la course. Ils suivent leur propre flamme, en scandant des slogans comme « ONU où es-tu ? » « Hu Jin Tao est un assassin », « Hu Jin Tao est un menteur », « Arrêtez de tuer au Tibet », « One world, one dream, Free Tibet[1] ». On sent l’immense désespoir et la colère de ces jeunes qui vivent dans un pays qui n’est pas le leur, leur révolte face à l’injustice.

L’émotion est palpable, les corps vibrent, les voix s’élèvent.

Après avoir couru durant une heure, le cortège rejoint les anciens. C’est le moment de calme et de repos, tout le monde se prépare à manifester en ville. Certains distribuent des tracts, d’autres se peinturlurent le visage d’un « Free Tibet ».

tibétains en exil

Yountex Shedup est un jeune tibétain vêtu de la robe bouddhiste. « Cela fait 20 ans que je suis moine », dit-il. 20 ans ? « Oui, j’ai 29 ans, et je suis devenu moine à l’âge de 9 ans, comme beaucoup de tibétains. Personne ne m’y a obligé. Dans les familles tibétaines, l’enfant qui a l’air le plus intéressé va faire son éducation au monastère. Je suis vraiment fier de participer à cette manifestation. C’est important pour nous d’être reconnu en tant que peuple. » 

 

Le cortège est reparti. Les tibétains déambulent dans les rues de la ville, jusqu’à ce que la police interdise le passage. Ils n’auront pas le droit de manifester sur la place principale. Tant pis, les tibétains se déploient, les jeunes hurlent leurs slogans, déversant leur rage et leur espoir d’un monde meilleur, tandis que sur les joues des anciens roulent les larmes de ceux qui savent qu’ils ne reverront jamais leurs terres natales.

[1] « Un monde, un rêve, le Tibet libre »

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Cette publication a un commentaire

  1. Müller

    Belles photos et beau témoignage, c’est émouvant.