Première destination de notre périple en famille, le Rwanda s’est invité dans notre parcours autour du monde pour deux raisons. La première, c’est nos amis expats qui bossent dans l’humanitaire et qui vivent à la frontière avec le Congo, au bord du lac Kivu. Et c’est pas tous les jours qu’on a l’occasion d’aller chez des copains qui habitent au cœur de l’Afrique. Et puis il y a eu cette discussion avec les enfants : « on vous offre le monde, qu’est-ce que vous voulez aller voir ? » Lily a répondu des lamas et des girafes… Les lamas ça tombe bien, on avait l’intention d’aller en Amérique du Sud donc a priori on devrait en voir, par contre des girafes… Juste à ce moment-là, notre ami du Rwanda nous raconte qu’il a emmené ses enfants dans le parc de l’Akagera où il en a vu, des girafes… Et voilà comment nous nous sommes retrouvés ici !
Le Rwanda ? Quelle drôle d’idée !
De France, l’image du Rwanda reste celle du génocide de 1994. Et comment pourrait-il en être autrement ? La nation a vu l’un des pires crimes contre l’humanité, et cela reste dans tous les esprits. Pourtant, le pays d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui d’hier. A la tête du pays depuis 1994, Paul Kagame, qui a mis fin au génocide en chassant les extrémistes hutus, a une politique basée sur le « plus jamais ça ». Celui qui se fait régulièrement « élire » avec des voix entre 90 et 100% a développé l’économie, le tourisme, l’agriculture, l’éducation, la santé et a permis au Rwanda de connaitre une croissance de 7% sur les vingt dernières années. Ce tout petit pays au cœur de l’Afrique est devenu un centre incontournable de l’Afrique de l’Est.
Première leçon africaine
Et nous sommes chouchoutés en arrivant à Kigali. Olivier et Dorothée, nos hôtes, nous ont réservé un taxi à notre arrivée à l’aéroport. Il est 20h00, Ibrahim notre chauffeur nous emmène à quelques encablures de là, dans un hôtel réservé sur internet. L’arrivée de nuit dans un pays que l’on ne connait pas est toujours un peu stressante, mais là, tout est parfait. Dans les rues, un flot incessant de personnes se rendent dans les petites échoppes alentours, la nuit est pleine de vie, vibrante.
Nous demandons à Inok, notre hôte ce soir, si nous pouvons manger quelque chose.
« Pas de souci, ici, on peut tout commander, vous voulez du poisson grillé ? »
Euh, oui, n’importe quoi, juste quelque chose à manger parce que les filles sont mortes de faim, et puis on va se coucher, parce qu’on est crevés.
« Ok, je m’en occupe ».
On prend la douche, on se pose, on se détend, et on attend. On attend. On attend. Il est 22h15, les filles commencent à s’impatienter, Seb va se coucher « je suis trop fatigué ! ».
J’envoie un message à Inok : « Une idée de l’heure à laquelle arrive nos plats ? » « Dans quelques minutes », répond-t-il.
22h30, 23h00, on perd Léa. Lily est toujours vaillante, elle a vraiment faim.
23h15, on frappe à la porte. Inok nous apporte trois poissons grillés. Léa par l’odeur alléchée nous rejoint.
Première leçon africaine. La patience. Le rapport au temps n’est pas le même que chez nous. Et puis aussi : commander quand on n’a pas encore faim !
Le pays des mille collines
10h00 du matin. Nous partons conduit par Ibrahim à Gisenyi où vivent nos amis Olivier et Dorothée. Et tout de suite nous sommes subjugués par le paysage. Le Rwanda se situe sur un haut plateau à 1400 mètres d’altitude, et le décor n’est qu’une suite incessante de douces collines. Chacune d’entre elle est cultivée, chaque parcelle de terre exploitée, culture de bananiers, maïs, ou thé. La route suit le relief, la voiture roule à lente allure, ici on est limité à 60km/heure. Partout, le regard est accroché par tous ces hommes et ces femmes qui marchent, une serpe sur l’épaule, un fagot de bois sur la tête, un bébé sur le dos. Les enfants en uniforme sortent de l’école, nous font un signe de la main à notre passage. Nous doublons des camions poussifs dans les montées, croisons des hommes qui poussent à bout de bras des vélos chargés de bananes. Sur la descente nous voyons des hommes et des femmes qui sèment dans la vallée. Nous sommes admiratifs devant tant de force de travail, les rwandais nous paraissent si forts et si courageux ! Et la devise du pays ici prend tout son sens : « Unité, Travail, Patriotisme ».
Umuganda
Chaque rue, chaque ville que nous traversons nous semble extrêmement propres. Pas de papier qui vole au vent, pas de canettes entassées au fond des ravins, pas de plastiques à la lisière des forêts. On apprend bien vite que depuis 2009 le président Kagame a mis en place l’obligation à tous les citoyens de participer à l’Umuganda.
L’Umuganda c’est quoi ? chaque dernier samedi du mois entre 8h et 11h, tous les rwandais doivent cesser de travailler et sont dans l’obligation de participer au nettoyage des rues.
Ce jour-là, les transports en commun s’arrêtent, les voitures ne roulent plus, et les gens ramassent les déchets, plantent des arbres, nettoient les puits.
D’ailleurs la politique environnementale est très développée dans le pays, et il suffit de faire ses courses pour s’apercevoir qu’il n’existe que des sacs de papier. L’importation et l’utilisation des sacs plastiques est interdite depuis 15 ans.
Un programme de reboisement a été mis en place, et on replante des arbres depuis une trentaine d’années. Aujourd’hui, cela se voit !
En ce qui concerne l’électricité, la moitié de la production est hydroélectrique, le solaire est en plein développement, ainsi que les combustibles renouvelables, comme la bagasse, produit à partir d’un résidu de canne à sucre.
Et bientôt, le pays compte devenir autosuffisant grâce à l’exploitation du gisement de méthane sous le lac Kivu.
Gisenyi
Gisenyi se trouve au bord du lac Kivu, à la frontière avec le Congo. C’est une petite ville paisible où vivent de nombreux expatriés qui travaillent à Goma, la grande ville congolaise voisine, mais qui préfèrent vivre au Rwanda, pays beaucoup plus sécuritaire. C’est le choix qu’ont fait nos amis Olivier et Dorothée.
Il y encore peu, Gisenyi était une ville vibrante et touristique. Elle bénéficiait notamment de l’afflux de congolais qui profitaient de la douceur de vivre de la localité rwandaise le week-end, qui venaient voir la famille de l’autre côté de la frontière. Aujourd’hui, tout est différent.
Il y a eu tout d’abord le Covid, et la fermeture complète de la frontière. Et puis surtout depuis quelques mois la guerilla en République Démocratique du Congo. Le M23, ou « Mouvement du 23 mars », est un groupe armé qui veut mettre la main sur le Nord Kivu. La région est sous tension, et les rebelles gagnent chaque jour du terrain. Entre la RDC et le Rwanda, rien ne va plus, le premier accusant le second de soutenir la faction rebelle.
Aujourd’hui, la frontière ferme à 15h00. Chaque matin, Dorothée et Olivier partent travailler à Goma, là où sont situées leurs ONG respectives, et chaque début d’après-midi ils rentrent chez eux, et continuent en télétravail. Les échanges transfrontaliers sont moins nombreux, et beaucoup plus complexes. Gisenyi s’est donc endormie…
La vie à Gisenyi
Pour entamer notre voyage, nous avons décidé de nous poser quelques jours à Gisenyi.
Cela nous permet de mettre en place un rythme pour l’école, le matin, chacun avec une fille. Seb s’occupe des mathématiques, moi je me charge plutôt de l’anglais, de l’histoire et de la géographique. Pour le reste, on interchange au gré des humeurs des filles.
Lily adore l’école à distance, elle apprécie d’avancer à son rythme. Léa veut faire de l’anglais tous les jours pour pouvoir parler le plus vite possible. Elle nous a vu communiquer avec les locaux, et a bien envie de pouvoir faire de même.
Après le repas, on va se balader au centre-ville, on se rend au marché, on longe le lac, on s’imprègne de la vie rwandaise. Les rwandais, quant à eux, nous regardent tous avec de grands yeux ronds, surtout les filles et leurs cheveux blonds. Certains nous prennent en photo avec leurs téléphones portables, à la dérobée. C’est parfois très déroutant, mais nous finissons par nous habituer et saluons chaque personne que nous croisons.
Les mototaxis
Pour circuler dans Gisenyi, rien ne vaut les mototaxis ! Même à quatre, cela marche. Il suffit de lever la main au passage de l’une d’entre elles pour qu’elle s’arrête et que d’autres la rejoignent. En moins d’une minute, quatre mototaxis sont autour de nous ! Léa est quelque peu réticente au début, et puis finalement accepte de grimper sur la moto. En redescendant, elle ne demande qu’une chose, c’est de recommencer !!!
Les tresses
Aline, une amie de la nounou des enfants d’Olivier et de Dorothée, vient à domicile coiffer nos filles avec des tresses, à l’africaine. Les filles sont ravies, elles ont désormais de longs cheveux grâce aux rajouts, et elles n’ont plus besoin de se coiffer le matin !
Quand vient mon tour, Aline tergiverse. Elle parle le kinyurwanda, la langue locale, comme 70% des rwandais. Deux ou trois mois d’anglais, pas plus.
Au Rwanda, quelques anciens parlent encore le français, vestige de l’époque coloniale belge, d’autres l’anglais, notamment de nombreux tutsis ayant fui le génocide en Ouganda et revenus au pays. Toutefois, la majorité des rwandais ne parlent que le kinyurwanda, et cela ne rend pas toujours facile la communication.
Aline touche mes cheveux, elle a l’air embêtée. Je lui parle anglais, français, avec les mains, mais rien y fait, on ne se comprend pas… Je sors l’arme ultime : google trad !
Toutefois, la traduction de ma phrase ne parait pas être très claire pour Aline. A son tour, elle tape une phrase. « Tu veux que je chante ? » traduit google trad… Euh… non, pas vraiment ! Entre fou rire, langage des mains, et google trad (qui nous embrouille plus que ce qu’il nous aide au final) nous parviendrons à nous entendre tant bien que mal, et je finirai par avoir les cheveux tressés !
Week-end marathon
Olivier participe à un marathon ce week-end. L’occasion pour nous de découvrir une autre région du Rwanda. Nous partons dormir dans un écolodge à la lisière du parc national de Nyungwe.
Alors qu’Olivier court, nous en profitons pour aller nous balader au village juste en dessous. Nous prenons la route, fermée pour l’occasion. Nous croisons de nombreuses personnes, toutes en train de porter un fagot de bois, des outils, une machette, un sac de fruits. Les Rwandais ont toujours l’air de transporter quelque chose, et de marcher éternellement. Quelques enfants nous suivent, certains nous crient « money », les gens comme d’habitude nous observe, intensément. Arrivés au village, c’est deux cent millions d’yeux qui sont tournés vers nous. Tout un village, le regard braqué sur notre famille. On sourit, on lève la main, mais on ne se sent pas à notre place. Une sensation de malaise. Allez, demi-tour, on rentre à notre bungalow.
Le parc National Nyungwe
La route traverse tout le parc d’ouest en est. Aussi loin que le regard se porte, nous voyons la forêt. Une forêt dense, sombre, immense, majestueuse, une forêt qui parait inextricable. « Attention, regarde, sur la route ! » C’est un babouin, non, une grande famille de babouins ! Ils passent nonchalamment à côté de notre voiture sans un regard pour nous, un petit sur le dos. Un peu plus loin, ce sont des singes blancs et noirs, et puis aussi des petites biches, et l’on apprendra plus tard qu’on nomme respectivement ces animaux cercopithèques, et céphalophes.
La forêt n’est pas uniquement l’univers des animaux. Le long de la route des militaires rwandais sont postés, immobiles et impassibles. Un peu plus loin, l’un d’entre eux nous arrête.
« Vous avez fait des photos des militaires » nous affirme-t-il.
« Non, nous avons fait des photos d’animaux », lui répond-t-on en montrant les enfants.
« On m’a dit que vous aviez un appareil photo avec un gros objectif, et que vous aviez pris des photos des militaires », reprend-t-il.
« Non, nous avons fait des photos avec notre smartphone, regardez ! »
Et je lui montre les photos prises. Lily lui montre les siennes.
Il nous regarde encore un moment, il n’est pas sûr, « vous n’avez pas d’autres appareil photo? » « Non, non ». Heureusement notre appareil était resté dans le sac au fond du coffre.
« Ok, allez-y, mais il est strictement interdit de prendre les militaires en photo ». Oui, monsieur, dit-on, et nous repartons sans demander notre reste.
Au Rwanda comme dans beaucoup de pays, les forêts sont des endroits où peuvent se cacher facilement des milices. Et puis actuellement le pays est sous-tension, notamment de part ses relations ambigües avec le M23 et la RDC. En tout cas, une chose est sûre. Nous ne prendrons jamais un militaire en photo au Rwanda.
Balade au lac Kivu
À deux heures de route de Gisenyi se trouve la petite ville de Kibuye. Olivier nous amène dans un petit paradis, et nous déjeunons au bord du lac à l’ombre des arbres, seuls au monde… Nous sommes en pleine hors saison, c’est le début de la période des pluies, peu de touristes à l’horizon… Toutefois, bien que le gouvernement rwandais soit bien décidé à développer le secteur du tourisme, il se concentre sur un tourisme de luxe. Il est très compliqué de trouver des chambres à moins de 100 euros, et les activités sont hors de prix.
Olivier a ses bons plans, et nous a dégoté une magnifique maison en bord du lac.
Il fait un temps magnifique, le lac nous tend les bras, et le gardien nous propose un tour de bateau pour visiter les îles en face.
Vincent est notre guide.
« Il y a encore un an, les deux îles que vous voyez là étaient habitées. Mais le gouvernement a décidé de rapatrier tous les gens de l’île sur la terre ferme. Depuis, les paysans traversent chaque jour le bras du lac en pirogue pour cultiver leurs terres. »
Un peu plus loin se trouve l’île « Chapeau de Napoléon », nommée ainsi à cause de sa forme. Sur l’île, des vaches.
« Comment sont-elles arrivées ici ? »
« En nageant ! »
« ?? »
En effet, sur le chemin du retour, nous croisons une barque, une vache attachée nageant à ses côtés !
D’autres articles sur le Rwanda :
Cc Aurélie
Ce voyage est juste magnifique !!! Quelle leçon de vie!!!
Je vous envie!!!!!
Profitez à fond et on attend avec hâte tes prochains commentaires !!!!!
Des gros bisous !!!!!
Un tout GRAND MERCI à la tribu Frastel de m’emmener en voyage avec vous !!!
Merci pour les belles photos, les dessins rigolos et les commentaires écrits à quatre mains…
Belle continuation et à très vite,
Bises Annette
C’est génial comme début 😃
Continuez bien, profitez et continuez bien d’écrire car de vous lire nous permet de découvrir beaucoup de choses.
Embrassez bien le Skuallou et Doro pour nous 😃
On vous embrasse 😃
Dan et Momo
Bonjour Aurélie, ton récit est fabuleux et pationnant ,les photos superbes,en lisant c’est comme ci je faisais partie du voyage.J’attends avec impatience la suite de vos péripéties à tous les 4 Bonne continuation à toute la famille.
On découvre, on découvre,
et on est charmé, et étonné, de ce que l’on découvre.
Mmmmh, ramassage obligatoire des déchets et ordures pour toute la population une fois pas mois, pas mal ça. Exemplaire en tout cas !
Aurélie, continue à nous détailler les facettes fascinantes de la vie au Rwanda, c’est très intéressant 🙂
Vous me faites rêver et voyager. Merci
Merci à tous pour ce beau récit, bonne continuation!
Merci Aurelie de partager aussi bien votre voyage et ces belles découvertes. Ton récit sur le Wanda donne un tout autre aperçu de ce pays jusque là encore très souvent assimilé au génocide et ses atrocités 😱
Bises à ts les 4 et bonne route 😉
Bonjour, Merci beaucoup de partager ce beau voyage. De beaux récits, de beaux dessins. Le Rwanda est un beau pays sur lequel la France devrait prendre exemple sur pas mal de points. Hâte de découvrir le reste du voyage. Profitez bien. Bonne continuation
Salut les nomades,
votre récit de voyage au Rwanda est passionant, on se sent embarqué dans votre aventure.
Merci de nous faire voir ce pays tel qu’il est ajourd’hui et non plus comme il était resté dans notre souvenir aprés l’épisode tragique de 1994.
André & Brigitte.
(avons fait la connaissane d’Aurélie avec Accou Coeur en février)
Bonjour aurelie, je lis votre journal de voyage avec beaucoup de plaisir, merci et j attend la suite👍
On a hâte de connaître la suite … merci de nous faire voyager avec vous
C’est un magnifique voyage. Merci pour ce petit journal