À San Carlos, plusieurs planteurs de café se sont récemment installés. La région s’ouvre progressivement à la culture de cette cerise dont le monde entier raffole.

Edwin est un jeune agriculteur amoureux de son travail. Il nous emmène visiter son exploitation, située sur les hauteurs de San Carlos.

Edwin, cultivateur de café à San Carlos

Producteurs de café de père en fils

« Dans ma famille, on a toujours vécu dans le café. Mon grand-père vivait du café, mon père vivait du café. J’ai sept frères, toutefois aujourd’hui aucun d’entre eux n’a continué la tradition familiale à part moi. Moi, j’ai toujours aimé ça. J’ai le café dans le sang.

– Tu as toujours vécu à San Carlos ?

– Non, Je suis arrivé ici il y a douze ans. Après le décès de mon père, l’exploitation familiale a été vendue, et j’ai cherché un endroit pour m’installer. Comme la plupart de mes frères vivent à Medellin, j’ai essayé de trouver une terre pas trop éloignée. San Carlos n’est qu’à trois heure trente de route de la ville. Et puis, à l’époque la région s’ouvrait à peine, les terres étaient bons marchés. Tu sais, ici c’est une région qui a été extrêmement touchée par la guerre des cartels. Les factions paramilitaires avaient envahi toute la zone alentour. Les familles qui vivaient dans le coin ont dû fuir la région et abandonner leurs terres. Entre la fin des années 90 et 2008, personne ne pouvait mettre un pied dans ces montagnes sans encourir sa vie. »

Le 4×4 quitte la route pour un chemin de cailloux. Nous montons de plus en plus, et la vue devient spectaculaire. En contrebas, le petit village de San Carlos s’étire, veillé par les sommets. On se croirait dans une vallée des Alpes, avec une végétation tropicale. Au bout de quinze minutes, la piste s’arrête.

San Carlos, Antioquia

San Carlos, une région au passé tourmenté

« À partir d’ici nous allons continuer à pied », nous dit Edwin.

La voiture s’est garée à proximité d’un grand bâtiment blanc.

« C’est une ancienne école. Avant la guerre des cartels, il y avait 48 familles qui vivaient ici. Toutes les familles ont dû fuir et abandonner leurs terres sous la pression des guerilleros.  L’école qui se trouvait là a été abandonnée. Le bâtiment que tu vois en face, lui aussi en ruine, c’était une épicerie-bar. »

Il nous faut désormais marcher. Edwin nous guide sur un chemin de terre qui serpente dans la montagne. Il fait chaud et humide, nous sommes à 1000 mètres d’altitude mais le climat est semi-tropical, la végétation dense.

Sur la route du café

« Lors de la guérilla, il n’y avait aucune activité humaine ici. Du coup, la végétation a été préservée, les plantes ont poussé, la terre s’est régénérée. Grâce à cela, nous avons aujourd’hui une terre très fertile pour pouvoir cultiver, même si cette région n’est pas vraiment spécialisée dans la culture de café. »

Le chemin monte, tourne, descend. Déjà vingt minutes que nous marchons.

« Voilà, nous arrivons à ma parcelle ! » s’exclame Edwin en nous montrant un champ de caféiers.

Les arbres touffus grimpent sur les pentes escarpées. La plupart des fruits sont verts, certains rougissent à peine.

« Les fruits commencent à murir, la saison de la récolte aura lieu d’ici un mois. Tenez, goutez, vous allez voir c’est sucré », nous dit Edwin en nous tendant quelques fruits mûrs.

Et c’est vrai ! la graine est enrobée d’une fine pulpe sucrée. On a l’impression de sucer un bonbon acidulé.

Cerise de café

Robusta ou Arabica ?

« Ce sont tous des arbres de la même variété ? lui demande-t-on.

– Oh non ! J’ai planté huit variétés d’arbre. Certaines espèces ont un plus gros rendement, d’autres moins, et chacun donne des fruits de différentes saveurs. Cela me permet de mieux balancer mon café. Et puis si certains sont touchés par une maladie, d’autres sont plus résistants. La principale maladie à laquelle est confrontée le caféier est la rouille, un champignon qui ravage les arbres. Par contre, toutes les variétés que j’ai plantées sont de type arabica.

Cerises de café

– Ah oui, j’ai déjà vu ça sur les paquets de café, quelles sont les autres espèces ?

– L’autre espèce la plus courante dans le monde, c’est le robusta. Il y a aussi le liberica, mais il n’est produit que localement en Asie.

– Et c’est quoi la différence entre le robusta et l’arabica ?

– Le robusta pousse dans les plaines. Il est plus fort en caféine et en goût. C’est le café qu’on boit souvent le matin. L’Arabica, lui, est plus délicat, avec des arômes plus subtils. Il pousse entre 600 et 2000 mètres d’altitude, dans les régions où il ne fait ni trop froid, ni trop chaud. Comme ici ! C’est un café plus doux, que l’on boit généralement après le repas.

– J’ai remarqué que les Colombiens ne boivent pas souvent de café. Et s’ils en boivent c’est un café filtre très sucré, rien à voir avec notre expresso en Europe.

– En effet, nous sommes l’un des plus grands pays producteurs de café au monde, et pourtant ici on n’en boit que très peu. De toute façon, quasiment la totalité du café exploité en Colombie l’est pour l’exportation, majoritairement vers les pays d’Europe ou d’Amérique du Nord.

Edwin, cultivateur de café à San Carlos, Colombie

– Le café vient-il d’Amérique du Sud ?

– Ah non ! il est originaire d’Ethiopie. Il est arrivé en Amérique avec les premiers colons. Comme c’est une plante qui ne pousse que dans les régions tropicales et en altitude, elle a trouvé dans la Colombie une terre d’accueil parfaite. Elle est rapidement devenue un produit phare du marché triangulaire entre l’Amérique, l’Europe et l’Afrique, à l’instar de la canne à sucre. »  

Un café minutieusement selectionné

Nous marchons au sommet d’une crête. D’ici, la vue est imprenable sur toute la vallée. Les champs de caféiers s’étendent sur les pentes douces à droite et à gauche. Un peu plus loin, un bâtiment trône au milieu des arbres.

« C’est ici que nous sélectionnons les grains. Nous faisons tout à la main. On lave d’abord les cerises à grande eau pour enlever la terre ou la poussière. Les fruits abimés ou pas assez mûrs flottent, cela nous permet de faire une première sélection. Ensuite, les cerises tombent dans la broyeuse qui permet de séparer la pulpe des grains.

On laisse ensuite reposer les grains pendant 24 à 36 heures pour que la pulpe qui reste encore accrochée se décompose. Par la suite, on lave de nouveau les grains, puis on les fait sécher à l’air libre dans le séchoir là-bas dehors », nous dit Edwin en nous montrant un grand tapis sous une bâche de plastique. 

Grains de café

Il est temps de redescendre de la plantation. Nous reprenons le chemin inverse jusqu’à la voiture d’Edwin.

Un café subtil, fruité, doux et fort à la fois

« Je vais vous emmener chez moi maintenant, nous dit-il. C’est là-bas que nous terminons le processus de production du café. »

Edwin habite une maison jouxtée d’une immense terrasse couverte. En Colombie, et tout particulièrement dans cette région basse des Andes, on vit principalement dehors.

Grains de café

« C’est ici que nous ramenons les grains de café séchés. Vient alors la dernière partie du processus. On fait un dernier tri à la main, et on ne garde que les grains parfaits. Puis nous les emmenons à la torréfaction. Pour l’instant, nous n’avons pas encore la possibilité de le faire chez nous, mais nous espérons pouvoir acheter le matériel bientôt, et être ainsi complètement autonomes dans notre production. »

Vient le moment de la dégustation. Le café d’Edwin est subtil, fruité, doux et puissant en goût, une explosion de saveurs. La passion de son travail se retrouve dans cette petite tasse de liquide noir.

Après cette visite, le café n’aura pour nous plus jamais le même goût !

Edwin Giraldo Conde

Finca el Progreso Vereda Santa Ines

San Carlos Antioquia

egico2482@gmail.com

Quant à nous, nous avons été séduits et enchantés par nos rencontres colombiennes. Nous quittons le pays avec la certitude d’y revenir. On n’en a pas fini avec la Colombie ! Mais pour l’heure, nous avons rendez-vous avec des amis dans un nouveau pays : le Mexique.

Lisez la suite de notre voyage en famille 2023 : La Riviera Maya au Mexique

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Cet article a 16 commentaires

  1. Kitzing Michel et Lucienne

    très très intéressant le café de mon petit déjeuner aura désormais une autre saveur connaissant tout le travail nécessaire pour la culture du café..merci pour ces partages ,bonne continuation et belles découvertes dans ce merveilleux pays qu’est le Mexique si riche en histoire..quelle chance vous avez,je pense qu’au MEXIQUE Super-meuh va danser au rythme des musiques des mariachis sur la place Garibaldi à Mexico par exemple..!

    1. Aurélie Frastel

      Merci pour vos commentaires Michel et Lucienne, Super Meuh va en effet sûrement être très inspirée par le Mexique !

  2. LADEL Claudine

    Superbe avantage faite de paysages sublimes et permet de mieux connaitre les mœurs et activités des différentes contrées. Bravo et merci pour ces moments partagés.
    Claudine

  3. Hélène M.

    J’en commande un kilo !

  4. Véronique Calvet guide

    Cc a tous,
    Toujours aussi agréable de lire ton récit Aurélie. Bonne continuation au Mexique

  5. Richard nadine

    Merci pour ton agréable récit Aurélie très enrichissant sur le café et pour toutes ces photos sublimes. Bonne continuation pour le Mexique à toute la petite famille.

  6. Annette

    Merci beaucoup pour cette visite délicieuse et informative !

    Bonne continuation à cette petite tribu si sympathique 😉

  7. henry claudie

    toujours aussi passionnant de lire vos recits .avec vous nous voyageons dans le monde tres intéréssant merci a vous

  8. Gaultier

    Merci pour ce récit intéressant au plus près des réalités quotidiennes ! Bonne continuation. Amitiés. Christian et Françoise.

  9. Michèle BEUGNIES-DURAND

    Il me fait envie ce café !
    Merci pour ce partage très intéressant