Notre périple dans la péninsule du Yucatan nous emmène visiter deux sites archéologiques magiques : Kohulinch et Calakmul.

Bacalar

Mais avant de nous enfoncer dans la péninsule, il nous reste une étape sur la côte : Bacalar.

Bacalar… Peut-être avez-vous vu ces superbes photos de cette lagune qui offre un panel du bleu turquoise au bleu vert en passant par le bleu foncé. Sans aucun doute l’une des régions les plus photogéniques du Mexique. On l’appelle d’ailleurs la lagune aux sept couleurs.

Et c’est vrai qu’elle est belle cette lagune. Et c’est vrai qu’elle est photogénique. Un endroit magique. Mais ce qu’on ne voit pas sur instagram c’est que tout le bord de mer est privatisé. Pour accéder à la lagune, il faut de nouveau soit aller manger dans un restaurant ou dormir dans un hôtel ou payer pour avoir l’accès. Quelques endroits gratuits, mais ils ne sont pas nombreux, comme le balneario municipal. D’ici, on peut profiter de la lagune aussi longtemps qu’on le désire. Le soleil joue avec les nuages, éclairant une partie ou l’autre de l’eau dans une danse dont on ne se lasse pas. Bacalar, privatisée ou non, mérite qu’on vienne lui rendre visite.

Après deux jours passés à Bacalar, nous continuons notre chemin et nous enfonçons dans la jungle du Yucatan. Nous partons découvrir la civilisation maya.

Kohulinch

Des dizaines de cités mayas se cachent dans la forêt tropicale. Certaines sont encore ensevelies et n’ont pas livré leurs secrets. D’autres sont reconnues dans le monde entier et fréquentées à outrance, comme Chitchen Itza ou Palenque. Des sites majeurs, des incontournables. Et puis il y a ces dizaines d’autres sites dont personne n’a jamais entendu parler, qui reposent tranquillement au cœur des arbres, accueillants le visiteur curieux qui désire sortir des sentiers battus. Et jouer à Indiana Jones, ou à Esteban et Zia dans les Cités d’Or, seul à explorer les ruines d’une civilisation disparue. C’est tout le charme de cette péninsule qui regorge de trésors cachés.

Sur la route entre Bacalar et Calakmul, un panneau : Kohulinch huit kilomètres.

« Et si on y allait ? »

Une route étroite jalonnée de nids de poule serpente au milieu de la jungle. Peu de passage par ici. Mais au bout du chemin, une cité perdue.

Le chemin est bordé de palmiers, qui ont donné le nom au site. En effet, Kohulinch n’a rien d’un nom maya et vient de « Cohune ridge », la crête des « palmiers cohunes » en anglais. Un bruit sourd nous accueille et monte de la forêt tropicale, autour de nous. Comme un énorme rugissement. Comme si une bête monstrueuse nous attendait dans les entrailles des ruines. Les filles nous regardent d’un air peu rassuré.

« Qu’est-ce que c’est ? »

Seb et moi sourions. On le connait bien cet animal à la voix rauque et puissante, on l’a déjà rencontré il y a quelques années. Un jaguar ? Non, un tout petit animal : le célèbre singe hurleur. Et cette fois-ci, il a décidé de nous accueillir comme il se doit. L’un d’entre eux se balance sur une branche au-dessus de nos têtes. Il nous regarde, avec intensité, alors que ses compagnons continuent d’hurler dans les arbres.

Nous partons explorer les ruines essaimées dans une nature foisonnante. Les pyramides jouent avec le soleil sous le couvert des arbres. Et puis, cachée au milieu des arbres, une structure abrite un trésor inestimable : des masques en stuc lié au Dieu Soleil K’inich Ajaw. En excellent état de conservation, on y retrouve même les traces de la peinture rouge qui ornait autrefois tous les temples mayas. Les visages nous hypnotisent de leurs énormes yeux, gardiens de secrets disparus à jamais.

Calakmul se mérite

Au cœur de la jungle de la péninsule du Yucatán se trouve une autre cité cachée : Calakmul. Elle n’est pas la seule à être perdue dans la forêt, mais sa particularité est l’immensité de ses pyramides. Certaines d’entre elles mesurent jusqu’à 50 mètres de hauteur et domine la jungle sur des kilomètres à la ronde. Mise à jour dans les années 80-90, elle a bouleversé les connaissances sur la chronologie et l’histoire des cités mayas de l’époque classique. Calakmul était une grande puissance, rivale de Tikal. Pourtant, elle ne jouit pas de la renommée quelle mérite. Quand on parle de cités mayas, on parle de Chitchen Itza, Tulum, Palenque, mais de Calakmul ?? Il faut dire qu’aller à Calakmul, ça se mérite…

À trois heures de route de Bacalar sur la Côte sud et quatre heures de Campeche sur la Côte nord, les bus sont peu nombreux pour s’y rendre. Nous, une fois n’est pas coutume, on a loué une voiture alors on décide de dormir à proximité pour pouvoir profiter du site de bon matin : on va dormir dans un camping dans la jungle.

Dodo (ou presque) au camping

Située dans la réserve de biosphère de Calakmul, le camping propose des tentes pour quatre. Le confort est spartiate, la douche se résume à un saut d’eau pluie, mais peu nous importe, ce n’est que pour une nuit !

Juan nous présente le camping.

« Il y a un chemin qui traverse la jungle et fait une boucle, vous pouvez le prendre à n’importe quel moment mais restez bien sur le chemin, il peut y avoir des animaux dangereux.. »

Une balade dans la jungle ? Voilà qui est tentant ! Le soleil est en train de disparaître, bientôt il fera nuit, vite c’est le bon moment…

« Qui veut faire une balade en forêt ? » Seb et Léa m’accompagnent. Et à peine venons-nous d’emprunter le chemin, que Seb s’arrête.

« OH mais qu’est-ce que c’est ? dit-il en regardant à terre… Mais, c’est une mygale ! Venez voir ! »

Une énorme tarentule s’avance sur le chemin…

Aaaah ! Bon, je crois qu’on va écourter la balade. J’ai beau avoir fait beaucoup des progrès dans ma relation avec les insectes, les araignées géantes, ce n’est pas mon fort. 

Le problème, c’est que celle-ci me barre la route. Derrière moi la jungle, devant moi l’araignée et en ligne de mire Seb, Léa et le campement…. Plus le choix, il faut bien rentrer… Vite, je cours et passe à proximité de ma nouvelle copine. Ouf, sauvée.

Avec Léa, on se réfugie dans la tente munie d’une moustiquaire. La nuit tombe et les bruits, s’éveillent. L’activité est nocturne dans la jungle. Magique.

« Maman j’ai envie de faire pipi… »

Euh..  Moi aussi, mais les toilettes sont tellement loin !

« Ok les filles, on va faire un convoi, vous êtes prêtes ? »

C’est, parti ! Ouverture de la fermeture éclair, éclairage du sol, vision d’un gigantissime scorpion qui s’élance vers nous, queue relevée, demi-tour, fermeture de la fermeture éclair….  Seb qui boit un verre en dehors de la tente est mort de rire… Et nous aussi !

La deuxième tentative est couronnée de succès, de nouveau on se réfugie dans la tente, c’est l’heure du dodo.

« J’ai chaud maman ». En effet il doit bien faire 40 degrés sous toile…  « Et puis j’ai peur »… Ne t’inquiète pas Léa, tout va bien maman est là (et saura te protéger des grosses araignées et des megascorpions sic)

De bon matin

Après un sommeil interrompu à multiples reprises « j’ai chaud, j’ai froid, ça fait beaucoup de bruit les insectes, il pleut, ça fait beaucoup de bruit la pluie », nous nous levons de bon matin pour aller visiter la grande Calakmul.

 Encore faut il y arriver. Il reste 1h30 de conduite à travers la jungle pour y accéder. « Regardez par la fenêtre, on verra peut-être des jaguars… ». Raté.

Il est 8h00, on y est…

Calakmul, cité perdue

Calakmul est un site majeur de la civilisation des basses-terres mayas. Elle fut l’une des plus puissantes cités de l’époque classique, grande rivale de la très célèbre Tikal, aujourd’hui située au Guatemala.

« Calakmul était une cité immense ! me raconte Paulo, un guide local qui attend son groupe au pied d’une des pyramides. À son apogée au VIIème siècle, elle comptait 50 000 habitants.

– L’environnement devait être bien différent à l’époque !

– En effet ! Aujourd’hui la forêt a investi les lieux, mais il faut s’imaginer qu’autrefois la ville était entourée de champs à perte de vue, principalement de maïs. Les mayas défrichaient la forêt, et se servaient du bois pour la construction ou pour la cuisine. Les temples et les maisons des nobles en pierre que l’on retrouve aujourd’hui ne sont qu’une infime partie de la vaste agglomération qui se trouvait là il y a 1500 ans. La majeure partie des habitats étaient faits de bois et de terre, il n’en reste plus rien aujourd’hui. De même, il faut s’imaginer que les temples que l’on voit étaient alors peintes de couleur rouge, la couleur sacrée inca.

Aujourd’hui, les édifices de pierre sont éparpillés dans la jungle. Et particularité de Calakmul, de monumentales structures de 40 à 50 mètres dominent la forêt. Du sommet, on voit à des kilomètres à la ronde. La vue est époustouflante.

– Pourquoi les cités de Tikal et de Calakmul ont disparu vers l’an 1000 ?

– Leur disparition ne s’est pas fait du jour au lendemain. C’est un effondrement qui s’est réalisé sur plusieurs siècles, et est dû à une combinaison de plusieurs facteurs. On considère que la civilisation maya classique était à son apogée entre les années 600 et 800. Mais apogée veut aussi dire de plus en plus de bouches à nourrir ! Les sols ici sont pauvres en matières nutritives et pour cultiver le maïs on utilisait le système de la jachère pour y pallier : 2 ou 3 ans de culture pour 8 à 10 ans de jachère. Mais avec l’augmentation de la population, le rendement n’était pas suffisant et les paysans respectaient de moins en moins ce temps de repos. Les sols se sont appauvris, les récoltes étaient mauvaises, alors ils ont défriché d’autres terres, de plus en plus loin, jusqu’à provoquer une déforestation massive, et engendrer un nouvel appauvrissement des sols.

– C’est un cercle vicieux dont ils n’ont pu réchapper…

– Oui, d’autant plus que cela a été combiné à une période de sécheresse intense. Et la déforestation a accentué le phénomène. Alors que le peuple mourrait de faim, les élites quant à elles ont continué à vivre dans l’opulence, ce qui fut de plus en plus mal accepté. Le peuple a fui, s’est révolté… Et les cités-états se sont effondrées. C’est ce qui est arrivé à Calakmul.

– Et la forêt a repris ses droits…

– Oui, c’est ce qui a d’ailleurs permis de sauvegarder les vestiges des sites archéologiques que nous connaissons aujourd’hui. Et il y a encore énormément de bâtiments à découvrir ! À Calakmul, par exemple, on n’a fouillé que 20% de la zone.

Le train maya

Calakmul commence à se faire une solide réputation dans le monde des voyageurs.

– Depuis quelques mois, on a beaucoup plus de visiteurs, notamment des européens. Ils veulent tous venir avant l’arrivée du train maya, me dit Paulo.

Le train maya ? C’est la grande révolution qui attend toute la péninsule du Yucatan. Un projet titanesque qui risque de changer le visage touristique de toute la région. Et il ne passe pas inaperçu. Partout, on croise des hommes et des femmes en train de travailler sur ce gigantesque chantier. Le gouvernement a fait une promesse : le train (ou tout du moins une partie du réseau ferroviaire) sera en fonctionnement fin 2023. Alors on se presse !

L’idée de ce train c’est de désenclaver certaines régions du Yucatan et de développer le tourisme hors Riviera Maya. La péninsule regorge de sites archéologiques tous plus beaux les uns que les autres, mais nombre d’entre eux sont difficiles d’accès. Les vacanciers se pressent à Chitchen Itza où l’on compte pas moins de 8000 visiteurs par jour, ou encore Tulum ou Coba. Les autres sites sont délaissés. Trop loin.

Avec le train, les sites de Calakmul, Kohulinch ou encore Edzna deviendront accessibles, les villes de Campeche et Merida bénéficieront de l’afflux de touristes, et toute la péninsule deviendra un grand terrain de jeux pour voyageurs pressés…

Evidemment, ce projet pharaonique pose quelques questions. Notamment la rapidité à laquelle il a été construit sur un sol particulièrement fragile. La déforestation qu’il a engendrée. Et puis l’afflux de touristes qui risque de changer à jamais le visage de cette région du monde. Mais la machine est en route. Aujourd’hui, plus rien ne peut l’arrêter, avec ses bons et ses mauvais côtés…

Prochaine étape : on va voir les dauphins à Isla Aguada, et retrouver une vieille connaissance à Campeche !

Lisez la suite de notre voyage en famille 2023 : Le Yucatàn au Mexique

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Cet article a 8 commentaires

  1. Müller

    Quelles belles images sous-marine ! C’est toi la photographe, Aurélie ?
    Le récit de la disparition des cités Mayas laisse songeur : sécheresse, appauvrissement des sols, augmentation de la population, classe aisées insouciantes……. hmhmhm, un air de déjà vu et entendu, non ?
    Quand étiez-vous au Mexique ? J’ai un peu perdu le fil de la chronologie je crois.
    Bizzzzzz à vous quatre !

    1. Richard nadine

      Comme toujours très beau récit,c’est bien triste toutes ces disparitions de ces merveilleux cites,tout n’est qu’une question d’argent et masse touristique.Vos filles ont une chance inouïe de partager avec vous une aventure fabuleuse. Bonne continuation en attendant la suite.

  2. Müller

    Les singes hurleurs m’avaient terrorisée la première fois que je les ai entendus en pleine nuit !! J’ai bien reconnu les nuits peuplées et sonores de la jungle où l’on ne dort que d’un oeil(^_-).

  3. eve

    tu me fait rêver
    Grosse bizzzzzzzzzzzzzzzzzz a vous 4
    Eve

  4. Palacin

    Merveilleux. Merci Aurélie pour ce magnifique partage. Bonne continuation ds ce magnifique voyage

  5. jacques GERSON

    Toujours aussi passionnant ce récit, vite la suite !

  6. Calvet Véro

    Toujours aussi intéressant tes récits. Merci

  7. Amélie Quenson

    Merci pour ce récit. Ça m’a donné l’impression d’y être !
    Continuez, vous nous faites rêver !